• SOMMETS

Une vision diversifiée de la montagne

Une vision diversifiée de la montagne


Dans le cadre des travaux que la Cour des comptes a menés sur le sujet de l’adaptation des stations de montagne au changement climatique, l’ANMSM a été entendue à plusieurs reprises par les membres des chambres régionales des comptes et de la Cour des comptes afin d’apporter son expertise et sa vision de l’avenir des stations. Le 6 février dernier, la Cour des comptes a rendu un rapport particulièrement dur à l’égard du modèle des stations de montagne. Si tous les messages de l’association n’ont pas été retenus par l’institution, les Maires de l’ANMSM les ont réaffirmés avec force auprès des pouvoirs publics et en particulier de la Ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Ceux-ci sont de quatre niveaux.

En préambule, il est essentiel de rappeler que le modèle des stations de montagne ne constitue pas un ensemble homogène de communes et de stations qui y sont rattachées. Selon le massif, l’altitude, le versant, la constitution de la commune ou de la station, il n’existe pas de modèle unique. Il est donc illusoire d’analyser ce modèle de manière uniforme et de vouloir mettre en place une solution unique.

INVESTISSEMENTS ORIENTÉS VERS LA DIVERSIFICATION DES ACTIVITÉS ET DES SAISONS

Les stations de montagne ont déjà amorcé un changement de paradigme s’agissant de leurs investissements. Il est inexact d’affirmer que le tout ski est l’unique vision des stations de montagne. Une large majorité d’entre elles oriente dorénavant ses investissements également vers l’été. Cependant toute transition nécessite un temps d’adaptation et il est exact de constater qu’actuellement les recettes générées durant la saison d’hiver permettent d’engager l’adaptation des stations. Sans ces recettes, les stations n’auraient pas les moyens de financer seules leur adaptation, dans un contexte budgétaire très contraint.

En effet, l’adaptation des stations de montagne se fait dans un contexte budgétaire particulièrement difficile pour les communes et en particulier les communes support de stations : baisse régulière la DGF, progression constante du FPIC, suppression de la taxe d’habitation, tout cela dans un contexte de fortes tensions sur le plan énergétique.

LA DIVERSIFICATION, DÉJÀ UNE RÉALITÉ POUR DE NOMBREUSES STATIONS

La diversification des stations est bien engagée, depuis de nombreuses années pour certaines, lesquelles enregistrent une forte progression des nuitées en été. La montagne l’été répond de plus en plus aux aspirations des vacanciers : nature, ressourcement, détente en famille mais également activités pour tous les profils. L’altitude permet également d’échapper à la chaleur de plus en plus marquée l’été dans notre pays. Enfin, en période de forte inflation, cette attractivité est la démonstration que la montagne est une destination concurrentielle à cette saison. Il est essentiel de développer la saison d’été avec une saison démarrant fin mai-début juin et s’achevant fin septembre-début octobre. L’évolution est engagée et devra s’accélérer. Cependant, il faut avoir à l’esprit qu’il est très compliqué d’exiger une évolution brutale en quelques années seulement d’un modèle établi depuis près de 70 ans.

RESSOURCE EN EAU, RETENUES COLLINAIRES ET NEIGE DE CULTURE

Les investissements orientés vers la diversification ne sont pas incompatibles avec la nécessité de sécuriser certains espaces grâce à la neige de culture afin d’assurer la pratique des sports de glisse là où cela s’avère nécessaire de même que les retours stations afin de réduire les navettes. Depuis plusieurs années, les stations ne sécurisent que ce qui doit l’être. Qui plus est cette production de neige de culture a fait l’objet de progrès très importants ces dernières années en matière de consommation d’énergie et d’eau. La ressource en eau utilisée à cette fin est contrôlée en permanence et fait l’objet de prélèvements à des périodes adéquates. Les études Climsnow réalisées par Météo France et l’INRAE permettent d’anticiper l’impact du changement climatique sur les conditions d’enneigement des stations et ainsi de toujours mieux cibler les investissements.

L’apport de la neige de culture s’avère nécessaire pour maintenir viable un modèle économique et assurer son adaptation. En 2018, elle représentait pour les massifs français 25 millions de m3 d’eau. Il s’agit de l’eau prise en très grande partie sur les précipitations et non dans les nappes phréatiques. Par comparaison, les seules fuites sur le réseau d’eau national représentent en 2023 1 300 millions de m3 (soit 50 fois plus que la neige de culture).

Grâce aux retenues collinaires, l’eau tombée en surabondance est captée temporairement. Si elle ne l’était pas, elle ruissellerait en aval pour se jeter dans la mer. Par ailleurs, l’exploitation des retenues collinaires s’articule autour de la multi-activités. Elles constituent des points d’eau appréciés des vacanciers l’été pour l’environnement paysagé de même que pour les activités nautiques. Ces retenues d’eau peuvent également s’intégrer aux solutions de production d’énergie hydroélectrique, augmentant progressivement le degré d’autonomie énergétique des stations, au moyen d’énergies renouvelables. Enfin, ces retenues constituent un point d’eau essentiel pour le pastoralisme et pour éviter d’éventuelles sécheresses sur ces territoires, une réserve d’eau pour alimenter si nécessaire les réseaux domestiques pour la population et pour lutter contre les incendies. D’une manière générale, dans un contexte de changement climatique avec des précipitations moins fréquentes mais plus intenses, il devient indispensable de stocker l’eau de manière ponctuelle pour l’utiliser puis la rendre à la nature.

L’ÉCHELON COMMUNAL LE MIEUX ADAPTÉ AU FONCTIONNEMENT DES STATIONS DE MONTAGNE

La maitrise territoriale doit impérativement revenir aux élus locaux et en premier lieu aux Maires. Les situations qu’ils ont à gérer au quotidien sont très diverses compte-tenu de la très grande variété des communes support de stations de montagne. Celles-ci doivent conserver la totalité de leurs prérogatives et de leur liberté d’action. Or, il faut préciser que les communes support de stations de montagne qui sont intégrées à des Communautés de communes bas de vallée rencontrent les plus grandes difficultés à exister en tant que communes touristiques au sein de ces ensembles. Leurs spécificités ne sont en effet très souvent pas prises en compte. La Communauté de communes, établissement public de coopération intercommunale, est la bonne échelle pour gérer les sujets de mobilité, d’énergie ou de gestion des déchets. En revanche les stations de montagne sont des entreprises à gérer au plus près et ont besoin d’un bon niveau d’autonomie.

Les élus locaux sont parfaitement conscients des évolutions en cours et des enjeux considérables pour les communes support de stations de montagne. Le rôle des pouvoirs publics est bien de les accompagner pour accélérer l’adaptation du modèle économique sans toutefois mettre à mal un écosystème qui fait vivre des centaines de milliers de personnes et maintient les habitants sur ces territoires tout en rendant la montagne encore plus attractive auprès des plus jeunes.